Le Corbeau

Evan leva les yeux de son carnet un instant. Il l’avait remarqué sans le voir. Une masse noire s’était posée quelques minutes auparavant sur le rebord de la fenêtre à côté de lui. Il ne tapa pas sur le carreau avec son bec noir, ni ne croassa de l’habituel cri peu élégant des corbeaux. C’est ce silence et cette attitude qui finit par attirer l’attention de l’élève de Serpentard. Interrompant la lecture de ses propres notes, il observa l’oiseau et remarqua que celui-ci faisait de même. Immobile, seul les billes noires qui lui servaient d’yeux suivaient ses mouvement. Intrigué, Evan referma son petit carnet. Puis, il se leva du grand fauteuil où il était assit.
L’oiseau s’envola vers le ciel enneigé, mais seulement après avoir observé le jeune homme assez longtemps pour montrer qu’il ne s’envolait pas par peur. Evan le suivit du regard, curieux et troublé. Le volatile s’éleva un instant dans le paysage blanc, étendant ses ailes comme les voiles d’un Détraqueur avant de plonger vers le sol, et de s’écraser. Evan laissa échapper un petit rire de surprise. Quel étrange oiseau.

Cette anecdote resta proprement rangé dans un coin de son esprit jusqu’à l’après-midi du jour suivant. Alors qu’il traversait la cour pour rejoindre son prochain cours, son regard se perdit là où il avait vu l’oiseau tomber. La curiosité ressortit l’histoire de son tiroir et il se demanda une fraction de seconde si l’oiseau était encore là. La question le titilla juste assez pour qu’il se demande ensuite s’il avait le temps de le vérifier. S’excusant auprès de ses amis, il se détourna alors de leur route pour se permettre ce petit élan de curiosité morbide.
Marchant d’un pas contrôlé sur la pelouse délicatement recouverte de neige, le Serpent se demanda s’il allait s’abaisser à fouiller dans la neige simplement pour trouver une carcasse d’oiseau congelée. Mais alors qu’il approcha de l’endroit de la chute, il su que cela ne serait pas nécessaire.
L’oiseau était là, perché sur une petite pierre ressemblant presque à sa propre pierre tombale. Evan n’était pas physionomiste en ce qui concernait les bêtes mais il fut persuadé que c’était le même corbeau. Celui-là même qu’il l’avait observé et qui avait ensuite plongé à sa mort juste sous ses yeux. Comme s’il s’était donné en spectacle. Et maintenant le voilà, paisiblement perché et l’observant à nouveau de ses grosses billes noires. Noires ? Evan dût s’y reprendre a deux fois avant de remarque que les yeux du corbeau étaient en fait d’une teinte très foncée de rouge.

- Et bien ? demanda Evan au volatile sans vraiment savoir ce qu’il demandait. Il avait cependant la ferme impression que celui-ci essayait délibérément d’attirer son attention.
Le corbeau croassa en guise de réponse mais Evan n’eut aucun mal à le comprendre. "Evan" avait-il croassé.
Le jeune homme se figea de stupeur. D’ordinaire il n’avait aucun souci à entendre son propre prénom contrairement à son cher camarade Saïd Wilkes, mais cette fois-ci c’était différent. Ce n’était pas le fait que son prénom provienne d’un animal qui n’était pas sensé parler. C’était comme si dans son prénom et la façon dont il avait été prononcé, Evan reconnaissait quelqu’un proche de lui. Il n’y avait que très peu de personnes qui lui donnait cette impression en prononçant son prénom. Deux d’entre elles étaient ses parents. Les autres, non-mentionnable. Qui ? Une pointe d’excitation monta en Evan alors qu’il se permettait d’espérer. Et si ?
Comme une réponse, l’oiseau ouvra les ailes et s’envola pour venir se poser sur l’épaule d’Evan Rosier.